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Dissertation sur les picots !

Mais comme l’a déjà écrit Simone de BEAUVOIR, on ne naît pas picoteur. On le devient !

Ça commence, comme dans tous les mauvais contes de fée par deux backsides. Puis par un entraîneur qui va commencer par t’administrer des anti-épileptiques durant quelques semaines pour tenter, en vain, d’améliorer ta gestuelle désordonnée et inefficace. Après quelques mois, il hésite encore à te faire entrer dans un SEGPA, à te réorienter vers le Mikado, ou à t’envoyer consulter dans un service de rééducation psycho-motrice.

Jusqu’à l’idée de génie. Le tir à trois points de la dernière chance : il t’envoie consulter un praticien. Mais coup de bol, c’est le docteur NEUBAUER !!! Le doc te colle une de ses plaques magiques sur le revers, ou dans le coup droit. Ou des deux côtés. Dans les cas vraiment désespérés.

Et là, c’est le miracle.

Tu ne dépassais jamais 5 points. Et désormais, de manière extraordinaire, tu arrives à 11 avant ton adversaire. Comme dans un rêve.

Mais il te faut néanmoins apprivoiser cet outil du Diable, cette plaque de caoutchouc démoniaque. Bref, créer des liens avec elle. Comme le petit Prince avec le Renard. Car Antoine de SAINT-EXUPERY, ton premier entraineur te l’a dit : « Tu es un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et le picot n’a pas besoin de toi.. Mais si tu l’apprivoises, vous aurez alors besoin l’un de l’autre. Tu seras pour lui unique au monde. Et il sera pour toi unique au monde…».

C’est beau. C’est bien dit… On le savait déjà, l’essentiel est invisible pour les yeux. On ne voit bien qu’avec le cœur…Mais bref, il te faut désormais travailler. Et tu découvres que ta gestuelle de pantin désarticulé devient brutalement un atout. Ainsi que ta position d’attente de grenouille.

Tu explores également des pans entiers de la face noire de l’âme humaine. Et d’une discipline qui t’était jusqu’alors inconnue : la psychiatrie. Car tu remarques que tes adversaires se mettent à pleurer. A parler aux murs. A hurler même. Shootant les sépas, fracassant leur raquette contre la table. Tu deviens le Sigmund FREUD du bloc coupé, le Jacques LACAN de la balle flottante et dégueulasse. Tu comprends que ces plaques magiques dévorent certes la balle, mais avant tout, et surtout, le cerveau de tes adversaires.

Tu commences alors à regarder des documentaires sur les araignées. Ces insectes supérieurs te fascinent désormais. Comme elles, tu te mets à tisser des toiles, lentement. Dans lesquelles tu attends que tes adversaires du jour viennent s’engluer, comme les papillons au printemps. Tu découvres la patience. Comme le crocodile tapi au fond de la mare. Tu détectes et analyses les failles du joueur d’en face. Tu appuies dessus, et tu t’engouffres lentement dans les béances et les trous noirs de sa technique pongiste, forcément imparfaite. Puis, une fois que ton adversaire a définitivement perdu la raison et son ping-pong, lentement tu t’approches. Pour mieux finir de lui aspirer la cervelle. Avec une paille.

Tu investis dans un serre-tête éponge. Et tu développes une seconde membrane tympanique, que tu actives à bon escient, pour ne plus entendre les insultes du joueur d’en face. Par contre ses pleurs et ses chialeries te galvanisent. Et te font jubiler… Tu portes de petites lunettes rondes, cerclées de métal. Que tu prends plaisir à te remonter sur le nez à chaque point gagnant. Et à essuyer dès que tu as pris 3 points d’avance. Pour laisser un peu plus de temps à ton adversaire pour mijoter et ruminer.

Tes mains deviennent moites. Tu commences à onduler devant la table comme un serpent. Chez les plus doués, des écailles peuvent même commencer à pousser sur la peau. Certains au stade ultime peuvent même se mettre à parler le fourchelangue. Mais là on frise alors la perfection…

Alors oui, c’est vrai, on l’admet volontiers, monsieur Picot n’est pas un créateur. Ni un esthète.

Sa technique est souvent sommaire. Primitive. Apprise en solitaire, comme un Robinson sur son île de détresse pongistique. Il utilise des plaques probablement préparées dans les cuisines des Enfers.

Mais remarque bien que grâce à elles, tous les physiques et tous les psychismes peuvent s’exprimer derrière une table de ping. Avec elles, tout le monde a sa chance.

Le picot c’est l’outil égalitaire par excellence. Un mix de travail, d’intelligence, de ténacité, de roublardise, et d’un peu de filsdeputerie… La quintessence du ping-pong en fait.

Leur présence est indispensable au paysage pongiste. Comme le Yin a besoin du Yang.

Monsieur Picot est le croque-mitaine. Il est là pour terroriser les enfants de moins de 50 ans. Il est même parfois leur pire cauchemar…. Mais il est tout à la fois la maladie, et le remède du beau jeu.

Car s’il est là pour permettre à tous les Tom CRUISE du top spin de briller et de flamber derrière la table. Il est aussi là, souvent, et avant tout, pour dégonfler leurs poussées d’hydrocéphalie.
No comment ?

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